NOUVELLES - Æquo au Nunavut

Publié le 10 octobre 2019

Par François Meloche, Directeur de l’engagement actionnarial.

La majeure partie de mon temps consiste à lire des rapports, écrire et faire des appels à des représentants d’entreprises au nom d’investisseurs afin de discuter ESG. À l’occasion, je suis appelé à faire des visites sur le terrain. Ce fut le cas cet été alors que la minière Agnico Eagle m’invita au Nunavut visiter les installations de Meadowbank et à séjourner dans la collectivité de Baker Lake. Pendant trois jours, j’ai pu échanger avec des membres du personnel et de la communauté.

L’objectif était de mieux comprendre l’approche sociale de l’entreprise et d’identifier des bonnes pratiques en relations communautaires pour alimenter nos dialogues. Un des plus grands défis que rencontre l’industrie minière est d’atténuer les impacts environnementaux et sociaux tout en partageant les retombées économiques avec les collectivités hôtes. Plusieurs cas de projets miniers retardés, voire abandonnés, à cause d’oppositions citoyennes, démontre l’importance de l’enjeu des relations communautaires pour l’industrie. Nommons par exemple les catastrophes économiques de Manhattan Minerals au Pérou ou Gabriel Resources en Roumanie (aussi visitées par Æquo) ainsi que le projet Pascua Lama de Barrick Gold au Chili.

 

Rappelons qu’Agnico Eagle exploite une mine d’or à ciel ouvert, Meadowbank, au Nunavut, ce territoire immense qui n’est peuplé que de 35,000 personnes. L’exploitation de la mine de Meadowbank prend fin cette année, mais un nouveau projet satellite, Amaruq, doit se poursuivre jusqu’en 2026. Meadowbank se trouve à environ 40 km au nord de Baker Lake, une collectivité principalement inuite. La minière a signé une entente sur les répercussions et avantages (ERA) avec la Kivalliq Inuit Association (KIA) en 2011. La KIA est l’organe dédié pour négocier des ententes avec des promoteurs au nom des Inuits (en vertu de l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut). A priori, ceci semble une garantie suffisante que la minière respecte le droit au consentement libre, préalable et éclairé (CLPE) de cette communauté autochtone, un gage de bonnes relations avec la communauté. Toutefois, le CLPE n’est pas tant une norme, mais plutôt un principe sur lequel devrait reposer chaque interaction d’une minière avec une communauté hôte. C’est avec cette idée en tête que j’ai abordé mon court passage au Nunavut, qui m’a donné une bonne idée des pratiques et des défis rencontrés par l’entreprise.

 

J’ai pu constater que le respect des résidents de Baker Lake semble bien présent dans la culture d’entreprise de la compagnie. Celle-ci facilite les échanges entre ses employés et les résidents, ce qui aide vraisemblablement à la confiance mutuelle et au développement d’une idée commune d’un partenariat. Par ailleurs, d’importantes ressources humaines et financières sont déployées afin de renforcer la relation et par le fait même, respecter les engagements stipulés par l’ERA. La minière a déployé des programmes d’embauche des employés issus des communautés inuits et favorise l’achat de produits et services par des fournisseurs locaux. Elle investit aussi dans des infrastructures municipales qui servent aux activités de la mine, mais qui améliorent aussi, pour certaines d’entre elles, la qualité de vie des résidents. Finalement, elle s’emploie à atténuer les impacts sur l’environnement, notamment sur les caribous chassés par les Inuits, dont les voies migratoires pourraient être perturbées par les activités de la mine et par la route. Ce dernier point faisait l’objet de débat lors de mon séjour alors que certains membres de la communauté, notamment le regroupement des chasseurs et trappeurs, soupçonnent que les activités de la mine ont contribué à faire fuir les caribous de la région.

 

Patrice Roy, Candace Ramcharan et  Suzanne Leclair de Agnico Eagle avec François Meloche

Durant mon séjour se déroulait le Baker Lake Festival, une grande fête communautaire à laquelle participe activement Agnico Eagle. Le VP de la compagnie pour le Nunavut, Dominique Girard, y a d’ailleurs annoncé devant une salle comble que ce projet minier était “votre projet “ avant d’annoncer quatre investissements importants: un système d’opérations de recherche et de sauvetage, un hangar pour l’ambulance, un don à l’unique banque alimentaire et un système de son et lumière pour la salle communautaire. La foule exprimait sa joie à chaque annonce. La soirée s’est terminé au son des Jerry Cans, un groupe bien connu dans la région et par la traditionnelle (et très sympathique) “square dance”.

 

En quittant cette fête des plus animée, je me suis interrogé sur l’avenir de cette communauté et sur “l’après-mine”. Les attentes des résidents semblent peut-être irréalistes alors que plusieurs y trouvent actuellement un emploi relativement bien rémunéré et que des services publics, qui devraient être assurés par l’État, sont ici assumés par un acteur privé dont la présence est passagère. En effet, la communauté devra vivre sans celui-ci dans tout au plus 10 à 15 ans et devra inévitablement entamer une discussion sur la transition vers d’autres activités économiques. L’expertise acquise par la main-d’oeuvre inuite d’Agnico Eagle devrait permettre à certains de trouver un emploi ailleurs au Nunavut. Mais les activités traditionnelles telles que la chasse et la pêche, bien qu’ encore vivantes, seront de toute évidence insuffisantes pour relever les nombreux défis sociaux qui caractérisent cette communauté comme bien d’autres lieux du monde autochtone au Canada.

Baker Lake

L’ouverture d’Agnico Eagle mérite d’être soulignée. Non seulement les représentants de la compagnie m’ont donné beaucoup d’informations utiles, mais ils m’ont aussi fait rencontrer des membres de la communauté avec qui j’ai pu m’entretenir en privé afin d’assurer un échange ouvert.  En outre, j’ai eu une chance unique de rencontrer et côtoyer ces habitants du Grand Nord que l’on connaît trop peu et ces nombreux enfants joyeux et amicaux.

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