Publié le 30 juillet 2019
« Notre personnel est notre atout le plus important », « Notre succès dépend fortement de notre capacité à attirer et à retenir les talents », « Notre main-d’œuvre représente les diverses communautés dans lesquelles nous opérons ». Ces déclarations sont familières à tout investisseur ayant consulté un rapport de développement durable, ou même un formulaire 10-K.
La contribution d’une main-d’œuvre engagée, en santé, diverse et qualifiée à la performance d’une entreprise est bien établie. On peut d’ailleurs se demander pourquoi, en regard de la prise en considération croissante des « actifs intangibles » dans l’évaluation des entreprises, un domaine aussi important sur le plan financier que le capital humain n’est pas intégré dans la divulgation obligatoire des entreprises.
Alors, qu’est-ce qui différencie la gestion du capital humain (GCH) de la gestion des ressources humaines (GRH)? Bien que les deux termes semblent être utilisés de manière interchangeable, la GCH est généralement considérée comme une manière plus stratégique de considérer les employés d’une organisation (par opposition à la fonction de conformité associée à la GRH). Les organisations soucieuses de leur GCH investissent dans les personnes en tant qu’actifs, dont le bonheur et le bien-être ne sont pas seulement complémentaires, mais essentiels à la stratégie d’entreprise.
La GCH comprend des sujets tels que la formation et le développement; la diversité et la provenance de la main-d’œuvre; la santé et sécurité des employés; les relations de travail; la rémunération; l’engagement et la satisfaction; ainsi que les normes de travail de la chaîne d’approvisionnement. Elle concerne, de manière générale, la manière dont les entreprises se positionnent comme employeur de choix dans une économie à faible taux de chômage. Proposent-elles un environnement de travail propice à la diversité et à l’inclusion, à la promotion interne et à l’engagement? Est-ce qu’elles étendent ces engagements et protections, dont bénéficient leurs employés directs, à leurs employés contractuels et aux employés de leur chaîne d’approvisionnement? Comment mesurent-elles, évaluent-elles et améliorent-elles leurs performances?
La portée et la pertinence de certains sujets varient certainement selon le secteur et le contexte commercial. Mais dans l’état actuel des choses, les données sur la GCH restent limitées, sporadiques et présentées de manière non standardisée. De manière surprenante, certains des rapports que j’analyse contiennent plus d’informations sur les dons et les activités de bénévolat des employés que sur les employés eux-mêmes.
Certains investisseurs institutionnels se mobilisent afin de promouvoir une meilleure divulgation sur le sujet. En mars dernier, un comité consultatif d’investisseurs a demandé à la SEC d’examiner et de tenir compte de la valeur de la divulgation de la GCH dans son cadre. Cela fait suite à une pétition en matière de réglementation déposée par la Human Capital Management Coalition en 2017. La Workforce Disclosure Initiative est une coalition d’investisseurs représentant plus de 14 billions de dollars en actifs sous gestion, dont l’enquête annuelle vise à améliorer la qualité des emplois au sein des multinationales et dans leurs chaînes d’approvisionnement. Les normes et indicateurs sectoriels de la SASB sont souvent cités comme une feuille de route dans la standardisation des informations sur la GCH.
En l’absence de divulgation obligatoire et d’indicateurs comparables adoptés à grande échelle, le dialogue entre les investisseurs et les entreprises sur ces questions devient encore plus important. Un avantage de la GCH, en tant que sujet d’engagement, est qu’il ne dépend pas de l’industrie, de la géographie ou de la taille de la capitalisation boursière. Chaque entreprise possède une forme de main-d’œuvre et un ensemble de défis et d’opportunités qui y sont liés. Presque toutes les entreprises avec lesquelles nous dialoguons au nom de nos clients investisseurs institutionnels expriment l’idée que l’incapacité à attirer et fidéliser le personnel de qualité constitue un risque commercial réel pour une entreprise. Et pourtant, très peu ont pu fournir des informations satisfaisantes sur la manière dont ils abordent et gèrent ce risque. Un dialogue continu et des questions sur ce sujet peuvent aider les entreprises à considérer leur contexte unique de capital humain de manière plus holistique et stratégique.
Il peut être compréhensible que les entreprises « hésitent » à partager publiquement des indicateurs tels que le taux de roulement, le salaire horaire moyen et le nombre de violations du droit du travail. Toutefois, sans la divulgation d’indicateurs clés ni la capacité d’exprimer clairement la priorité donnée à la GCH au niveau du conseil d’administration et de la direction, les entreprises ne peuvent pas s’attendre à ce que les investisseurs les prennent au mot.
Dans un environnement caractérisé par une croissance inégale des salaires, des millénaires en quête d’emplois « qui ont du sens », d’un activisme accru des employés et des impacts technologiques majeurs sur le marché du travail, la pensée traditionnelle en matière de GRH ne suffit plus. Les investisseurs institutionnels ont un rôle important (et une obligation fiduciaire, selon de nombreuses personnes) de dialoguer avec les entreprises dans le domaine de la GCH et de faire progresser le marché vers une meilleure divulgation, voire une divulgation obligatoire, de leur gestion de cet important vecteur de valeur.